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Le Liber rubeus, un cartulaire rigoureusement organisé
 

     Le Liber rubeus, ou Livre rouge, est un cartulaire, plus précisément le cartulaire de la cathédrale Sainte Marie de Dax – Sancta Maria Aquensis  – la " mère " de toutes les églises du diocèse –, qui abritait la cathedra, le siège de l’évêque. A ce titre, il contenait aussi bien des actes émanant de l’autorité épiscopale que des textes concernant le chapitre cathédral, c’est-à-dire la communauté des chanoines desservant la cathédrale, mais aussi des récits plus développés concernant divers événements importants, et enfin un document exceptionnel, la liste des 300 églises que comportait alors le diocèse.

 

   Un cartulaire est un recueil de transcriptions, de résumés ou de simples analyses de chartes ou actes divers – titres ou origines de propriété, compromis ou décisions d’autorité mettant fin à un conflit –, établi pour faciliter la consultation et l’utilisation de ces actes, dont les originaux étaient conservés dans les archives. De tels documents étaient surtout établis pour des institutions d’église – des monastères, des cathédrales, des chapitres…

 


Dax – Saint-Vincent-de-Xaintes. Chrisme roman
 (fin du xie siècle)

 

Ces divers documents, au nombre de 176, auxquels ont été ajoutés les deux du xiiie siècle, sont organisés selon un plan assez rigoureux.

Viennent d'abord les actes fondateurs émanés des autorités publiques.

- En tout premier lieu, est rapporté le transfert intra muros – à l’intérieur de l’enceinte antique – du siège épiscopal jusque-là situé hors les murs, dans l’église Saint-Vincent-de-Xaintes : l’événement auquel préside l’évêque Raymond, entouré du comte-duc d’Aquitaine, Gui-Geoffroy-Guillaume, des deux fils du vicomte de Dax et du viguier, fonde la nouvelle cathédrale ainsi que la communauté de chanoines qui la desservira.
     - Viennent ensuite les donations faites à cette occasion par le comte-duc lui-même, par le vicomte et ses fils, par le viguier, Dodon d'Œyreluy, et son épouse, par le vicomte et la vicomtesse de Maremne, mais aussi par divers citoyens et habitants de Dax et des environs.

 

Elles sont suivies de plus de cent vingt actes de donation, de vente, de restitution ou de constitution de redevances, classés dans un ordre qui semble commandé par le réseau hydrographique de l'Adour et du Gave. On commence par la rive droite de l'Adour qu'on remonte des environs de Bayonne aux faubourgs de Dax, pour se diriger ensuite vers la côte – Soustons, Messanges, Vielle, Saint-Girons. On passe ensuite sur la rive gauche de l'Adour, qu'on franchit à Orist pour se transporter très au nord, dans la boucle de l'Adour au sud de Tartas, puis on descend vers le Sud en direction de Montfort, pour rejoindre le Gave dans la région d'Orthez et de Puyoô. Enfin, on remonte du Gave jusqu’à Dax, qu’on ne dépasse pas : aucun acte ne concerne le triangle délimité par la N. 10 et la N. 132, de Castets à Saint-Geours-de-Maremme.

- Suivent des documents variés évoquant de grands conflits : avec un laïc, Tourton de Saint-Paul, avec les évêques voisins et surtout avec les évêques d'Oloron sur les limites du diocèse. C'est dans cet ensemble qu’ont été insérés un texte inédit sur la paix de Dieu (voir l’article de Dominique Bop) et quatre bulles du pape Alexandre III qui tentent de corriger les abus des laïcs possesseurs d'églises et ceux des moines et des Ordres militaires.

- Les derniers folios concernent l'administration du diocèse – sa division en quatre archidiaconés, le règlement de la confrérie dacquoise de la Mi-Carême, le partage des dîmes, des inventaires de redevances, la liste de toutes les églises du diocèse – et la gestion du chapitre – administration de la mense canoniale et rations des chanoines pour les jours ordinaires et les grandes fêtes.

 

Règles pour l’alimentation des chanoines

« Qu’il soit connu que telle est la ration quotidienne des chanoines de cette église. Avec une rasière de blé, on fait 18 pains. On donne donc chaque jour un pain à chacun, et une ration de vin ou de cidre ; en nourriture cuisinée, on donne une part de viande ou de poisson, en excluant le fromage qui n’est jamais donné au réfectoire ; même chose pour les œufs, sauf une fois l’an, dans la semaine de Pâques, le mercredi ou le samedi, et on en donne alors vingt à chacun ; de la sacristie, on donne pour chaque nuit une chandelle d’une longueur de main. Et quand un des chanoines quitte l’église par nécessité, quelle que soit l’heure du jour où il sortira, on donne à lui et aux siens l’intégralité de sa ration pour ce jour.

Le jour où un chanoine est anémié, on lui donne une double part de ration, à l’exception de la nourriture cuisinée, et quand il est malade au lit une ration et demie, à l’exception également de la nourriture cuisinée. À sa mort, on donne aux pauvres, pour l’âme du défunt, une ration entière pendant toute l’année. Et chaque année, au jour anniversaire de sa mort, également une part entière.

Pour la Noël, on leur donne du vin pendant trois jours, ainsi qu’une part et demie de pain et de vin. De même pour Pâques et Pentecôte. On donne aussi du vin pour certaines autres fêtes : pour la Circoncision du Seigneur, l’Épiphanie, la Purification de sainte Marie…….

Quand on donne du vin, on donne aussi à chacun une demie poule, ou un poulet, si ce jour-là est réputé par l’usage comme un jour de viande. Pour Noël, Pâques et Pentecôte, on donne à chacun une poule entière. »

Cette dernière mention de l’acte n° 176, qui clôt tout le cartulaire, ne saurait choquer dans le pays de la poule au pot…

 

 

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