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Les temps modernes - xvie-xviiie siècles

 

« Rebâtir la maison du Seigneur »

« Les églises... les mieux ornées du Royaume »

Les peintures des xviie et xviiie siècles et l'église Saint-Martin de Lévignac

 

 

« Rebâtir la maison du Seigneur »

Au lendemain des ravages infligés au cours des Guerres de Religion, en particulier dans le Tursan, la Chalosse, le Marsan et le Gabardan, Le Procès-verbal envoyé au roi Charles ix en 1572 avait dressé, de l’état des églises de ces régions, un tableau accablant. Comme cet état s’était souvent encore aggravé par la suite en raison du défaut d’entretien entraîné par l’appauvrissement des institutions et des pa-

roisses, au début du xviie siècle, un grand nombre d’églises  nécessitaient une restauration profonde. On couvre alors les vaisseaux de voûtes en briques ou de plafonds en anse de panier, et de larges baies sont ouvertes dans les nefs qu'elles inondent de lumière, ou dans la travée droite du chœur, pour éclairer le retable de l’autel. Dès cette époque ou par la suite, on profitera de ces réfections nécessaires pour compléter ou embellir l’édifice. On va ainsi doter l’entrée de l’église de Brocas à Montaut d’un énorme portail conçu comme un arc de triomphe antique, et le porche de Sarbazan d’une façade conçue selon un ordre colossal, partagé sur un rythme tripartite.

Sarbazan. Façade

Abbayes et couvents, durement frappés par les Réformés, relèvent leurs ruines et se transforment en édifiant de nouveaux bâtiments, comme à Saint-Sever pour les Bénédictins et les Jacobins, à Mont-de-Marsan pour les Clarisses, à Dax pour les divers couvents anciens ; dans le même temps, Ursulines, Barnabites et Capucins fondent de nouveaux établissements dans les principales villes. C'est cependant la cathédrale élevée à Dax de la fin du xviie siècle aux premières années du xviiie pour remplacer la grande église gothique effondrée en 1646, qui constitue sans aucun doute l'exemple le plus significatif des constructions de cette époque.

«Les églises... les mieux ornées du Royaume»

Le géographe Masse, lorsqu’il entreprend, à partir de 1712, le relevé des côtes de l’Océan au sud de Bordeaux, est frappé par la richesse du décor des églises de cette région, qui «sont des mieux ornées du royaume, tant par les autels dorés que par les autres ornements». En effet, de la seconde moitié du xviie siècle à la Révolution, la plupart des églises landaises ont été dotées d’un décor aussi riche que varié. L’ampleur du phénomène s’explique par un faisceau de circonstances particulières : une amélioration des conditions économiques, la disparition de la quasi totalité des éléments de décor antérieurs à la Réforme, l’effort de la Contre-Réforme, mais aussi l’action de quelques grands évêques : Gilles Boutault, Bernard de Sariac, Jean-Louis de Fromentières et plus tard François Sarret de Gaujac à Aire, Jacques Desclaux, Bernard d'Abbadie d'Arboucave et surtout Louis-Marie Suarez d'Aulan à Dax.

Saint-Gein. Retable

Audignon. Retable baroque

Une telle entreprise a bien évidemment mobilisé un nombre considérable d’artistes, essentiellement des sculpteurs et des peintres, pour la plupart inconnus, mais dont quelques textes du xviie siècle nous livrent parfois les noms et nous permettent de suivre les nombreux déplacements dans tout le Sud-Ouest. Vers la fin du siècle, la demande devient même tellement importante que peuvent se constituer de véritables ateliers stables, et bientôt de véritables dynasties d’artistes.

Qu’ils soient indépendants ou rattachés à un véritable atelier, qu’ils soient sculpteurs, peintres, doreurs, et bientôt marbriers, tous ces artisans vont exercer leur talent sur un nombre très limité d’éléments. En effet, cette vaste entreprise n’avait pas seulement ni même surtout un but esthétique. Elle était avant tout destinée à favoriser un autre aspect de la reconstruction, celle de la foi et du culte catholiques. Conformément à l’esprit et aux objectifs de la Contre-Réforme, c’est le retable qui constitue alors l’élément central du décor : d’abord relativement simple, il va prendre vers la fin du xviie siècle la forme d’une composition tripartite, scandée par des colonnes.

Ainsi conçu comme un véritable ouvrage d’architecture, le retable permet à la fois de diriger toute l’attention sur l’autel où se célèbre le culte eucharistique, et d’affirmer l’importance de quelques personnages centraux de la dévotion catholique de l’époque. Au centre, un tableau, plus rarement une statue ou un relief, représentent généralement la Crucifixion, dans laquelle le Christ en croix est encadré par la Vierge et saint Jean, ce dernier parfois remplacé par le saint patron de l’église ; le tableau peut aussi figurer l’Assomption de la Vierge, ou la glorification d’un saint. Au-dessus de cette scène centrale, sont représentées la Trinité, et parfois de nouveau la Vierge, rejetée par la Réforme protestante, mais qui conservait une immense importance dans la piété catholique.

Les ailes sont occupées par de grandes statues de saints - Jean-Baptiste, le saint patron, et surtout Pierre et Paul, colonnes de cette église de Rome elle aussi gravement remise en question par la Réforme.

Placé en avant du retable, le tabernacle constitue un élément également essentiel, en raison du développement de la théologie et du culte de la présence réelle, elle aussi contestée par les protestants. Ce tabernacle va souvent s’enrichir d’une porte et de côtés ornés, d’un baldaquin destiné à l’Exposition du Saint Sacrement, pour finir par former un véritable retable en miniature par l’adjonction d’ailes sur lesquelles prendront place des bas-reliefs représentant des scènes très diverses.

En comparaison de ces deux éléments essentiels, l’autel proprement dit apparaît longtemps relativement banal : formé d’une cuve galbée peu ornée, ou simple cadre sculpté renfermant un tissu ou un cuir repoussé et peint, il a souvent moins bien résisté aux destructions.

Il faudra attendre la seconde moitié du xviiie siècle pour voir apparaître un ensemble très original d’autels, les somptueuses compositions de marbres de couleur, surmontées de grandes statues de marbre blanc de Carrare, et parfois entourées de vastes architectures de stucs peints, comme à Laurède, au Mas d’Aire, et dans la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Dax. Ces œuvres sont toutes dues à une famille de sculpteurs suisses italiens, les Mazzetty, et leur réalisation s’est échelonnée de 1751 à 1785.

Laurède. Choeur

Aire-sur-l'Adour. église du Mas. Sainte Quitterie


     Le souci de proclamer la Vérité qui caractérise la Contre-Réforme ne s’exprime pas seulement par la mise en place d’images autour de l’autel. Elle va conduire à accorder également une grande importance au lieu d’où est proclamée la Parole, la chaire placée dans la nef, en face d’un grand Christ en croix. Quelques chaires landaises présentent l’originalité d’être faites en pierre. Mais le plus souvent elles sont l’œuvre de menuisiers, et leur rôle est alors souligné par la représentation, sur des panneaux, de grands saints enseignants - les quatre évangélistes, plus rarement d’autres saints.

Également remarquables sont souvent des œuvres isolées - statues, bas-reliefs, petites sculptures, orfèvrerie, ou ornements, et surtout les grands vantaux d’une vingtaine de portes des environs de Mont-de-Marsan. Tous portent au sommet deux grandes figures de saints formant une sorte de tympan, et au centre, des panneaux sur lesquels se détache une rosace, un mufle de lion ou une tête d’ange.

Il faut se réjouir qu’en dépit des destructions perpétrées vers la fin du xixe siècle au nom de l'unité de style, ou plus récemment au cours de « coûteuses entreprises d'appauvrissement », beaucoup de ces œuvres aient été conservés jusqu’à nos jours.

Les peintures des xviie et xviiie siècles et l'église Saint-Martin de Lévignac
 

     La découverte de quelques vestiges dissimulés sous des décors du xixe a montré que l’on avait parfois eu recours à d’autres modes de proclamation plus exceptionnels de la foi, des peintures appliquées soit dans les chœurs, pour donner une sorte d'écrin aux retables, tabernacles ou autels tout rutilants d'ors et de couleurs vives, soit, comme à Lévignacq, dans la nef : dans ce petit édifice, murs et voûtes ont été entièrement décorés au tout début du xviiie siècle de scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament et de paysages traités dans la tradition italienne ou française, par deux artistes bordelais Fautier et Léger.

 


Lévignacq. Voûte de la nef

 

 

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   Un xixe siècle sous influence
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