Le décor peint de la chapelle méridionale

C’est un tout autre milieu intellectuel et spirituel que révèle l’examen des vestiges d’un important décor peint qui ont été découverts par des dégagements entrepris en 2002-2004 dans la chapelle méridionale.

Sur les murs et la voûte de cette chapelle, une peinture de la fin du Moyen Âge était appliquée sur l’enduit grossier qui recouvrait l’appareil de pierre ; cette peinture avait été successivement recouverte de plusieurs badigeons de chaux blancs, d’un badigeon de chaux épais additionné de fibres végétales, d’une couche d’ocre jaune, d’une autre couche de badigeon, et enfin d’une peinture à l’huile.

L’enlèvement des diverses couches d’enduits, de badigeons et de peinture a permis de constater que si certaines parties du décor étaient assez bien conservées, d’autres étaient gravement altérées ou avaient entièrement disparu. Ainsi, sur la voûte, le décor d’un des quatre voûtains était presque illisible ; celui du mur ouest avait été en grande partie détruit par l’ouverture d’une grande arcade lors de la construction du collatéral au xixe siècle, ne laissant subsister qu’une petite partie au sommet ; celui du mur sud avait souffert de l’ouverture successivement de deux fenêtres, mais aussi de l’application de deux litres superposées, et de diverses réfections, et il n’en restait que quelques vestiges très partiels à la périphérie ; seul donc était complet celui qui était appliqué sur la surface reliant la voûte à l’arcade ouvrant sur la nef. Mais peu après, la dépose de l’autel et du retable appliqués contre le mur est de la chapelle, pour permettre leur restauration a révélé un nouvel ensemble complétant et éclairant celui déjà découvert.

Tous ces éléments ont été restaurés en respectant pour l’essentiel les principes de la Charte de Venise promulguée par l’UNESCO en 1964, et selon laquelle une restauration doit se limiter à une conservation de l’existant, en facilitant peut-être sa lecture, mais à condition de ne pas nuire à son authenticité. À Geloux, on s’est donc contenté de consolider le support dans le cas de décollements, de nettoyer et de fixer ce qui subsistait, en le traitant pour éviter de nouvelles dégradations ; l’intervention la plus importante a concerné les lacunes, qui ont été rebouchées et, pour certaines, en quelque sorte effacées par la technique très spécifique du tratteggio, en remplaçant les éléments disparus par de simples traits parallèles d’une tonalité inférieure.

Caractéristiques techniques et iconographiques de ces peintures

Il ne s’agit pas de fresques, peintures appliquées sur un enduit à la chaux frais (a fresco), comme au xiie siècle ou plus tard, et parfois de nos jours, mais de peintures à la colle appliquées sur un enduit déjà sec (a secco).

Il est intéressant de s’interroger sur les raisons pour lesquelles on avait jadis choisi de dissimuler cet ensemble : sans doute ces raisons ont-elles été pour une part les dégradations subies, l’usure du temps, et peut-être quelques déprédations par les troupes réformées ; mais la raison principale est sans aucun doute le changement de goût et de sensibilité religieuse intervenu au cours des deux siècles qui ont suivi la réalisation de cette œuvre.

Avec ce programme en effet, on est fort loin du goût pour les simplifications, les oppositions sommaires et l’éclat des couleurs et des ors qui allaient marquer, au xviie et au xviiie siècle, le mouvement de la Contre-Réforme. Ici, la vénération de la Vierge, qui n’avait cessé de se développer durant tout le Moyen Âge, a bien pris une importance primordiale. Mais elle s’inscrit dans la grande tradition de la théologie chrétienne, aussi bien occidentale qu’orientale, pour qui Marie, très précocement proclamée Θεότοκος, « Mère de Dieu », apparaît par sa maternité comme un élément essentiel dans le plan du Salut.

L’organisation du programme

 


Bordure des compositions

        La mise en œuvre de ce programme portait à l’origine sur la totalité de l’espace architectural de la chapelle – murs, voûte, face des arcs doubleaux et formerets –, où il s’organisait avec une rigueur et une cohérence extrêmes.

     Cette rigueur s’exprime tout d’abord par l’application sur l’ensemble des mêmes éléments, pour délimiter et rythmer la composition, et en particulier d’une même frise composée de deux ou de trois rangées imbriquées de demi-cercles, alternativement blancs et ocres, auxquels des petits motifs formés de trois petites tiges noires disposées en éventail donnent une signification végétale. Au sommet des murs, ces éléments sont généralement doublés d’un bandeau portant un ruban plié en zig-zag.

 

Mais la rigueur du programme s’exprime surtout dans la répartition des scènes sur les diverses surfaces.

Tout s’organise en effet en fonction des thèmes du mur est, qui, dans l’axe et au centre de la composition, expriment l’idée essentielle, le cœur du message donnant son sens à l’ensemble : l’évocation du Salut par le Christ, dans laquelle s’insère discrètement celle du rôle joué par Marie. Cette page magistrale est complétée par la figuration sur la voûte des messagers – les évangélistes –, et par le contrepoint qu’apporte à la Passion rédemptrice l’image symbolique des Cinq Plaies du Christ représentées au sommet du mur nord.

Au sommet du mur ouest, dans une composition symétrique à celle du Christ en majesté du mur est, la scène de l’Assomption figurait la consécration finale du rôle de Marie. On ignore malheureusement la nature des autres scènes représentées dans la partie inférieure du même mur, et sur la totalité du mur sud, mais les quelques éléments conservés marquent une nette orientation vers la gauche, et comme une invitation à porter les regards vers la vaste composition du mur est.

 

Plan de situation des peintures
1. Mur est : de haut en bas : Christ en majesté. Annonciation. Statue ? Crucifixion. Collège apostolique.
2. Voûte : évangélistes :
a. Matthieu ; b. Marc ;
c. Jean ; d. Luc.
3. Mur nord : Cinq Plaies du Christ.
4. Mur ouest : Assomption de la Vierge.
5. Scènes diverses mutilées.

 

 

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