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La création et le développement des monastères aux xie-xiie siècles

L’origine des anciennes abbayes landaises a été expliquée par de belles légendes formées sans doute vers la fin du xie siècle pour répondre au besoin de merveilleux des pèlerins qui les visitaient en grand nombre. La fondation de Saint-Jean de Sorde et de Saint-Girons de Hagetmau a ainsi été attribuée à Charlemagne, et celle de Saint-Sever a été située plus tôt encore, dès le début du viiie siècle, celle du Mas d’Aire au vie...

L’étude des documents révèle une tout autre réalité : celle de fondations réalisées à partir de la seconde moitié du xe siècle par de grands féodaux : le duc Guillaume Sanche en tout premier lieu, mais aussi plusieurs vicomtes.

Dans le diocèse de Dax, c’est certainement à Guillaume Sanche que l’on doit la création de Saint-Jean de Sorde ; après une tentative de prise de contrôle par l’abbaye gersoise de Pessan, elle semble être passée sous l’autorité de Saint-Sever, dont elle reçut successivement deux abbés avant de recouvrer son indépendance totale.

On ne peut sans doute pas accorder un grande confiance aux traditions qui situent vers 960 la fondation de Saint-Caprais de Pontonx par un vicomte de Tartas ; mais ce petit monastère est passé précocement sous la dépendance de celui de La Réole, et par cet intermédiaire, sous celle de la puissante abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire.

Ce n’est vraisemblablement guère avant la fin du xie siècle que sont apparus l’abbaye de Cagnotte et son prieuré de Pouillon. Si l’église Sainte-Marie de Cagnotte n’est pas antérieure à la fin du xiie siècle, Saint-Martin de Pouillon conserve un remarquable chevet de la fin du xie.

À côté de ces abbayes soumises à la règle de Saint Benoît, d’autres communautés ont été fondées sous la règle canoniale de saint Augustin. Ce fut bien sûr le cas du chapitre de la cathédrale de Dax, créé avant 1056 par l’évêque Raymond le Vieux lors du transfert du siège épiscopal à l’intérieur des remparts. Ce fut aussi le cas de Sainte-Marie d’Arthous, fondée vers 1160 sous l’obédience des chanoines Prémontrés ; ce fut semble-t-il aussi le cas de l’abbaye de Divielle, qui devait par la suite être rattachée à l’ordre cistercien.

Dans le diocèse d’Aire, c’est sur l’abbaye de Saint-Sever que l’on possède les renseignements les plus nombreux et les plus précis, concernant aussi bien les circonstances de la fondation en 988, que certaines particularités de la communauté installée dans les lieux, et surtout les marques de la faveur du fondateur Guillaume Sanche et de ses fils, et le développement considérable de l’abbaye sous le plus illustre de ses abbés, Grégoire de Montaner.

Dès sa fondation, l’abbaye a exercé, dans les régions où elle avait bénéficié des dons de ses bienfaiteurs, une action déterminante, en développant ou en rénovant le réseau paroissial, mais aussi en implantant très précocement dans certains points privilégiés de nouveaux foyers de vie monastique : des prieurés sont ainsi créés en aval sur les bords de l’Adour à Nerbis, sur la route du littoral à Mimizan, alors dans le diocèse de Bordeaux, et surtout, sur la route de pèlerinage venant de Vézelay, à Saint-Pierre-du-Mont, Saint Genis-des-Fontaines et Sainte-Marie-Madeleine de Mont-de-Marsan, à Roquefort, et jusqu’à Buzet dans le diocèse d’Agen.

Bien qu’on ne possède aucune indication précise sur la date de fondation des abbayes de Saint-Girons de Hagetmau et de Saint-Loubouer, leur existence attestée très tôt dans le xie siècle et les relations spirituelles et artistiques qu’elles ont entretenues avec Saint-Sever dès cette époque rendent assez plausible leur création par Guillaume Sanche ou un de ses fils.

En revanche, l’attribution également proposée de la fondation de Sainte-Quitterie du Mas d’Aire à Guillaume Sanche, a été rejetée par l’abbé Degert : selon lui, cette abbaye n’aurait été créée que sous Pierre II, évêque d’Aire de 1092 à 1099, peut-être par des religieux venus de l’abbaye de la Chaise-Dieu, au diocèse de Clermont. Il faut toutefois noter que le chevet de l’abbatiale conserve des éléments certainement antérieurs à cette période.

On doit peut-être situer vers la même date la fondation dans l’église d’Escalans, alors dans le diocèse d’Auch, d’un prieuré dépendant d’Eauze, et celle d’une communauté de chanoines à Pimbo, qui dépendait de Saint-Sernin de Toulouse. Un peu plus tard, l’abbaye de La Sauve-Majeure, dans le diocèse de Bordeaux, a créé les prieurés de Bougue et de Perquie, ainsi que celui de Gabarret, alors dans le diocèse d’Auch, tandis que des cisterciens s’installaient à Pontaut.

Reste enfin l’abbaye Saint-Jean de la Castelle, auprès de laquelle eut lieu en 1065 la bataille décisive pour le pouvoir sur la Gascogne. On ignore tout de son origine, mais on sait qu’elle fut plus tard soumise à la règle canoniale, et qu’elle fonda alors le prieuré de Lagrange.

Dans cette liste relativement importante de communautés régulières, deux absences assez remarquables méritent d’être soulignées : celle d’abbayes féminines, celle de monastères rattachés au grand ordre ailleurs prépondérant de Cluny. Cette double absence est d’autant plus remarquable qu’elle tranche avec la situation dans les diocèses voisins - ceux d’Agen, d’Auch et même de Lescar où l’ordre de Cluny est présent, ceux d’Agen et d’Auch où ont été fondées des monastères féminins de l’ordre de Fontevrault. Elle atteste du pouvoir de résistance de quelques grandes abbayes qui sont parvenues à garder toute leur indépendance ou leur influence dans cette partie de la Gascogne.

 

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